Voler est un combat !

« Chaque vol est combat », déclare Will Gadd, pilote chevronné et athlète de sports d’aventure. Pilote de compétition, ancien détenteur de records du monde et l’un des premiers compétiteurs Red Bull dans des épreuves de montagne, Will est à l’avant-garde des sports d’aventure depuis trente ans. Il partage ici les « principes de survie en parapente » qu’il a appris au cours de sa vie de pilote.

Ce ne sont « juste que mes opinions, mec » (The Big Lebowski), mais elles sont basées sur plus de trente ans de vol, d’enseignement de plusieurs sports à haut risque et d’observation d’autres pilotes dans les mêmes situations. Ce n’est que mon avis, mais j’espère qu’il aidera les personnes à réfléchir à la sécurité en vol et à mieux développer leurs propres principes de survie.

Si je pouvais résumer mon approche de la « sécurité » en parapente en deux mots, ce serait : bien voler.

Cela peut paraître absurde, mais voilà : si nous volons bien, nous évitons la plupart, voire la totalité, des dangers qui blessent et tuent fréquemment. Nous n’avons pas besoin de compétences extrêmes pour éviter de nous faire « aspirer dans un nuage », ce qui n’existe généralement pas. Nous n’avons tout simplement pas à voler dans les nuages. Nous n’avons pas besoin d’atterrir dans des endroits épouvantables, car nous savons où nous sommes et avons un bon atterro en finesse. Ce n’est pas en étant capable de résoudre des problèmes graves qu’être extrêmement compétent garanti sa « sécurité ».

Bien voler assure la sécurité. Donc :

Q : Comment assurer sa « sécurité » en parapente ?

R : Nous faisons de notre mieux, mais nous n’y parvenons pas.

La mauvaise nouvelle, c’est que le parapente est intrinsèquement très dangereux, et même les meilleurs d’entre nous peuvent se blesser ou se tuer en vol, et le font. Et tous ceux qui se font attraper croient avoir fait quelque chose de « raisonnable » sur le moment, sinon ils ne l’auraient pas fait. Aucun d’entre nous n’a de recette secrète. Ceux qui prêchent haut et fort que « le parapente peut être un sport sûr » sont des imbéciles et s’écrasent généralement violemment assez rapidement. On peut rendre le parapente plus ou moins dangereux, mais jamais « sûr ». « Il faut comprendre qu’un jour on mourra. Tant que vous n’avez pas compris ça, vous ne valez rien.» (Chuck Palahniuk, Fight Club).

« S’ATTENDRE À L’ERREUR »

Tous les accidents sont évitables avec le recul et sont souvent attribués à une « erreur humaine ». Le recul ne facilite pas la prévision, et l’« erreur humaine » n’est presque toujours qu’un comportement humain normal considéré avec le recul. Nous sommes humains, nous faisons tous des erreurs. Attendez-vous à l’erreur.

Mais je crois que nous pouvons être plus en sécurité si nous reconnaissons ce qui précède. Savoir que nos actions « normales » ont de très mauvais résultats encourage étrangement les bons résultats.

Ceux qui pensent que voler est « sûr » et « gérable » y survivent rarement très longtemps.

Ceux qui volent avec une attitude mêlant excitation et prudence vivent généralement plus longtemps.

Ceux qui restent attentifs et prudemment optimistes volent plus longtemps avant de se crasher.

Pendant de nombreuses années, éviter les problèmes, les dangers et les difficultés a été ma principale approche de la sécurité dans les sports dangereux, et comprendre ce qui se trouve sur la liste des « STKY » (Shit That Kills You) du jour est toujours très important pour moi. Mais en parapente, comme dans de nombreux autres sports, nous disposons d’un nombre quasi infini de façons de percuter le sol suffisamment violemment pour nous tuer ou nous blesser gravement. Je ne peux pas toutes les connaître, ni les avoir toutes en tête en permanence. Prévenir tous les accidents est impossible, car nous ne pouvons pas tous les voir venir.

Alors, plutôt que de se concentrer uniquement sur les dangers, existe-t-il des principes relativement simples qui pourraient nous aider à éviter un grand nombre, voire la grande majorité, des dangers connus et inconnus ? Des principes qui pourraient nous aider à bien voler, à voler avec succès ? En voici quelques-uns. Il est très rare qu’une personne s’écrase en respectant les principes ci-dessous. Mais le parapente est un sport infiniment complexe, jamais totalement prévisible, et c’est à la fois pourquoi j’adore ça et pourquoi nous nous écrasons

PRINCIPES PERSONNELS POUR DE MEILLEURS RÉSULTATS

Attitude : Sachez que des pilotes plus compétents et plus « sûrs » que vous sont morts en volant. Ils ne pensaient pas mourir ce jour-là, mais ils l’ont fait.

Chaque vol, du décollage à l’atterrissage, peut devenir un combat pour la survie. Votre mission est d’éviter de vous crasher. Tout le monde s’écrase. Tout le monde.

Volez en vous disant qu’aujourd’hui vous allez éviter ce combat qui exige une habileté exceptionnelle. Je ne suis pas Chrigel ; et même Chrigel s’est écrasé et s’est blessé.

À moins d’être un pilote très expérimenté, ne décollez pas en premier, ni seul, même si vous pensez que c’est « bien ». Vous n’en savez tout simplement pas assez pour en juger.

Ayez toujours en vue un bon atterro facile à atteindre. Mettez-vous face au vent et atterrissez exactement à l’endroit le plus sûr possible. À 50 cm, c’est raté. Arriver à deux mètres au-dessus des arbres, ce n’est pas cool : vous avez encore raté, et si vous continuez ainsi, vous vous ferez sanctionner gravement.

Ayez toujours suffisamment d’altitude pour qu’en cas de fermeture vous puissiez rouvrir ou jeter le secours.

Les vols le long des crètes et en thermiques près du relief sont les endroits où la plupart des accidents se produisent.

Soyez prêt au combat si vous volez à basse altitude ou au raz du caillou, parce qu’ « il n’y a pas d’autre option pour rester en l’air ». Atterrissez intentionnellement avant d’atterrir involontairement.

Il suffit de pratiquer une réanimation cardio-pulmonaire sur un pilote mourant qui a fait une erreur et s’est écrasé au sol en volant trop près intentionnellement pour comprendre cette vérité. Ne soyez pas ce pilote.

Décollez en y croyant. Un déco sans engagement ça ne mène nul part !

Décollez comme vous l’avez décidé. Les décollages involontaires et sans engagement sont la cause de nombreux accidents. Si vous devez décoller, engagez-vous et FAITES-LE, et posez-vous des questions une fois que vous êtes éloigné du sol. Si vous êtes sur un site où ça thermique, ne perdez pas votre temps à faire des gonflages : décollez avec détermination et prenez de la hauteur.

Gardez toujours votre aile au-dessus de votre tête. Ne la laissez pas faire, les parapentes ont besoin d’être piloté pour rester ouverts et voler. Voler comme une poupée de chiffon peut être fatal. Vous devez développer tous les schémas mentaux et physiques pour maintenir votre aile au-dessus de votre tête/ouverte. Apprenez à le faire à chaque vol. Écoutez le bruit du vent dans vos oreilles. Apprenez ce que cela signifie. Thermique ? Rafale de vent ? Quelle est la différence avec le comportement de votre aile ?

Vous devez connaître la direction et la vitesse approximatives du vent au sommet, à votre altitude et au sol. Beaucoup de pilotes sont morts parce qu’ils n’avaient pas ces informations et ont été pris dans un rotor. Soyez informé avant de vous engager, sinon vous risquez de tout découvrir à la dernière minute. En vol montagne, restez bien en avant des crêtes ou des reliefs les jours où vous ne savez pas encore ce que fait le vent. Augmentez votre engagement progressivement, pas d’un seul coup. Le vent essaie de vous tuer jusqu’à preuve du contraire, et même là, il peut encore changer. J’ai été reculé deux fois sous le vent d’une crête. Je n’ai apprécié aucune des deux expériences.

Volez toujours avec un objectif : allez à un endroit déterminé et essayez de faire quelque chose de précis. Sinon, vous finirez dans une situation compliquée. C’est aussi en testant votre modèle que vous apprendrez si votre plan de vol fonctionne. « Je vole par ici parce qu’il y a un thermique » est très différent de « Je vais peut-être, plus ou moins, suivre ces pilotes. »

À chaque minute de chaque vol, posez-vous ces questions jusqu’à ce que vous soyez sûrs de connaître la réponse, toujours :

Que se passe-t-il en général ?

Qu’est-ce qui a changé ?

Nuages, vent, indices au sol ?

Soyez attentifs ! Ce front de rafales n’est pas sorti de nulle part.

On ne se fait pas aspirer par les nuages. On vole dans les nuages.

On ne prend pas la pluie par hasard. On n’a juste pas fait attention aux nuages.

Ne croyez pas la météo. La journée est toujours ce qu’elle est, pas ce qui est prévu, pas ce que nous voulons, juste ce qu’elle est.

Faites-vous rapidement une idée du temps. En général, je ne regarde que les prévisions nationales (ensoleillé ? quoi ?) et le vent (vent faible ?). S’il fait beau et qu’il y a peu de vent, je vole. S’il ne fait ni soleil ni vent, je vole.

Des orages sont prévus ?

Peut-être, mais du vent aussi ? Je ne vole pas.

Vraiment du vent, sauf pendant une heure ? Je ne vole pas.

Pensez que les autres pilotes ne vous voient pas et sont prêts à vous tuer jusqu’à preuve du contraire.

Il y a trop de collisions en vol. Sur les sites de crête très fréquentés, c’est un jeu vidéo où tout le monde est prêt à vous tuer. Il y a les règles de priorité, et puis il y a ce qui se passe en vrai. Partez toujours du principe que l’autre pilote ne vous a pas vu jusqu’à ce que vos regards se soient croisés et qu’il montre qu’il sait ce qu’il fait.

CONTINUEZ À APPRENDRE

Appliquez ce qui précède et vous survivrez beaucoup plus longtemps. Voici quelques idées plus spécifiques.

Observez le développement des nuages, comprenez les fronts de rafales, etc. Apprenez au sol, en randonnée, en voiture, au bureau ; soyez un observateur obsessionnel et développez votre capacité à prédire la météo chaque jour où vous pouvez voir le ciel. Prédisez les orages du jour ou leur absence, vérifiez les heures et notez-les.

Apprenez des rapports d’accident, mais demandez-vous aussi ce que faisaient les pilotes qui ont réussi ce jour-là. Pourquoi une personne a-t-elle été aspirée par les nuages ​​et 200 non ? Les témoignages de ceux qui n’ont pas été aspirés par les nuages ​​ce jour-là sont plus pertinents, car ils montrent ce qu’il faut faire correctement ou comment ils ont bien volé.

Si vous atterrissez dans un arbre une fois, si vous jetez votre parachute de secours une fois, si vous atterrissez dans un endroit bizarre une fois, ou si vous vous faites une frayeur une fois par an, ce n’est pas grave. Mais si cela se produit deux fois, voire plus régulièrement, vous faites probablement une erreur et devez comprendre et résoudre le problème. Si vous flippez en vol régulièrement, ce n’est pas le problème des autres, c’est le vôtre, et vous devez arrêter de bricoler et trouver quel est le problème. « Cet arbre est sorti de nulle part » n’est pas la raison pour laquelle vous l’avez percuté. Les excuses peuvent fonctionner à l’école primaire, mais dans un combat aérien à mort, il n’y en a pas. Votre survie dépend de vous.

Ce que font les autres pilotes, c’est de l’information, pas de la confirmation. J’ai vu une fois quatre pilotes monter en thermique dans un cunimb en Australie. L’un d’eux est mort, mais les trois autres auraient dû mourir également. Les survivants ont dit qu’ils avaient été « aspirés par les nuages ». Foutaises, ils ont sciemment volé dans le nuage.

Si quelque chose vous semble « mauvais », essayez de comprendre ce que c’est ou si non, atterrissez et essayez de comprendre ce qui se passe. Faites confiance à votre intuition négative, même si vous êtes novice. Si la journée vous semble parfaite et géniale, faites confiance à votre intuition si vous êtes un expert. Ne vous y fiez pas si vous êtes novice (Risk Savvy, de Gerd Gigerenzer). Méfiez-vous des « bonnes » conditions, surtout lorsque vous apprenez (et nous apprenons tous en permanence).

Décidez de vous améliorer, à chaque vol, chaque jour. Revoyez chaque vol après l’avoir effectué, notamment la partie la plus dangereuse : performance, attitude, motivation mentale, niveaux de danger et résultats. Notez-les. Apprenez de chaque vol.

Développez votre capacité à gérer les erreurs. SIV, wingovers, vol uniquement aux arrières, etc. Pratiquez régulièrement ces exercices.

Source : Cross Country

 

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